Jours de carence maladie : vers un retour à l’âge de pierre sociale ?

Le 22/07/2025

Dans Actualités

Le gouvernement envisage une réforme radicale de l’arrêt maladie. Analyse complète et implications concrètes.

Une actualité sociale sous haute tension

La réforme des jours de carence, relancée en plein été, fait l’effet d’un pavé dans la mare. Si elle n’est encore qu’à l’état de “piste”, ses implications suscitent déjà de vives réactions du côté des partenaires sociaux.

Carence Maladie 3 J foxy

Une mesure choc encore à l'état de piste


Depuis une quinzaine de jours, une petite bombe sociale sème l’émoi dans les DRH : dans son plan de redressement budgétaire dévoilé le 15 juillet, Matignon envisage de repousser au 7ᵉ jour l’entrée en jeu de l’Assurance-maladie pour indemniser les arrêts maladie. Aujourd’hui, la Sécurité sociale prend le relais au 4ᵉ jour d’arrêt. Avec cette mesure, les jours 4, 5 et 6 passeraient à la charge de l’employeur ou de son assureur. Les trois premiers jours, eux, resteraient comme aujourd’hui : non indemnisés, sauf accord d’entreprise ou prévoyance collective.
Officiellement, rien n’a été déposé au Parlement. Mais le signal est clair : l’État cherche à juguler l’explosion des indemnités journalières (IJSS), dont le coût annuel frôle les 15 milliards d’euros. Selon Les Échos, l’économie visée par cette réforme se chiffrerait en centaines de millions d’euros par an.

Ce que disent les représentants patronaux


Le MEDEF et la CPME n’ont pas tardé à réagir. Dès le 9 juillet, ils publiaient un plan d’économies de 6,5 milliards d’euros pour 2026. Parmi leurs propositions chocs : instaurer un à trois jours de carence “d’ordre public” non indemnisables, y compris par l’employeur, et interdire toute prise en charge de la carence au-delà du troisième arrêt maladie dans l’année.
Pour eux, il s’agit de responsabiliser les salariés et de lutter contre les arrêts courts, jugés désorganisateurs et budgétivores.

Premiers échos côté syndicats


Du côté des syndicats, la tonalité est toute autre. L’UNSA dénonce une “politique qui pénalise les malades au lieu de s’attaquer aux causes profondes”, comme les conditions de travail ou les déserts médicaux.
La CGT, elle, redoute un glissement vers une carence généralisée de sept jours, sans indemnisation publique ni complémentaire, comme l’a préconisé la Cour des comptes. Le risque, selon les centrales : le retour du “présentéisme”. En clair : des salariés qui viennent travailler malades pour éviter de perdre du salaire.

Entre mesure budgétaire, stratégies patronales et inquiétudes syndicales, cette réforme encore floue cristallise une opposition classique mais explosive : celle du coût du travail face à la protection des plus fragiles.

Un impact fort sur les entreprises et les salariés

Derrière les lignes budgétaires, la réforme des jours de carence interroge l’équilibre social des organisations. Employeurs comme salariés pourraient en sortir fragilisés – à des degrés très variables.

Conséquences pour les entreprises

1. Transfert direct de charge
Les jours 4 à 6 devront être financés par l’employeur ou via un contrat de prévoyance. Les grands groupes, souvent couverts, absorberont le surcoût via une hausse de prime. Les PME sans couverture devront soit payer, soit négocier en urgence un contrat collectif.

2. Effet hétérogène sur la compétitivité
Les secteurs à faible marge (restauration, service à la personne…) risquent une explosion du coût du travail. À l’inverse, les branches qui indemnisent déjà verront un simple glissement de charge – sans gain budgétaire.

3. Pression accrue sur la prévention
Bercy espère que la mesure incitera les employeurs à prévenir l’absentéisme. Cela pourrait stimuler les initiatives en santé au travail : ergonomie, médecine préventive, télétravail… Encore faut-il en avoir les moyens et le temps.

4. Risques sociaux et juridiques
Refuser d’indemniser les jours 4 à 6 ? C’est s’exposer à des tensions internes, voire à des renégociations d’accords collectifs. Le risque : une fracture entre salariés bien couverts (cadres, CDI) et les autres (intérim, contrats courts).

Conséquences pour les salariés

1. Perte de revenu immédiate
Un salarié au SMIC non couvert pourrait perdre plus de 270 € net sur un arrêt d’une semaine. Un choc de trésorerie pour des budgets déjà fragiles.

2. Inégalités accrues
Les cadres, protégés par des conventions collectives, amortiront mieux la réforme. Les travailleurs précaires – temps partiels, CDD, saisonniers – seront les premiers touchés. La réforme pourrait ainsi creuser les inégalités sans régler les causes de fond.

3. Présentéisme et santé publique
Les études de la DARES sont claires : rallonger les carences fait baisser les arrêts courts… mais allonge les arrêts longs. Résultat : des salariés malades au travail, des pathologies aggravées, des contaminations en cascade.

4. Effet boomerang sur l’assurance complémentaire
Les assureurs devraient revoir à la hausse leurs cotisations pour couvrir ces nouveaux risques. Ce surcoût sera, in fine, partiellement supporté par les salariés via leur part salariale, ou intégralement pour les contrats individuels.

À travers le prisme du terrain, la réforme montre son vrai visage : une charge différée, potentiellement inégalitaire, qui risque d’amplifier les écarts au lieu de les réduire.

À travers le prisme du terrain, la réforme montre son vrai visage : une charge différée, potentiellement inégalitaire, qui risque d’amplifier les écarts au lieu de les réduire.

Une réforme à fort potentiel de dérives

Présentée comme une mesure de bon sens budgétaire, la réforme cache mal une logique d’externalisation du risque, avec des conséquences sociales et économiques bien plus lourdes qu’annoncées.
Cette réforme ressemble à une mesure comptable plus qu’à une politique de santé. Elle vise à faire des économies immédiates sans s’attaquer aux racines de l’absentéisme : conditions de travail, accès aux soins, qualité de vie au travail.

En transférant la charge de la Sécu vers les entreprises et les individus, l’État externalise le coût sans le faire disparaître. Pire : il le rend plus inégalitaire.
Alors que 63 % des entreprises indemnisent déjà la carence, ce sont les 37 % restantes – souvent les plus petites – qui subiront de plein fouet cette réforme.
L’efficacité est loin d’être démontrée : le précédent de 2012 dans la fonction publique (instauration d’un jour de carence) n’a eu qu’un effet marginal… et temporaire.
Enfin, cette réforme pourrait attiser les tensions sociales : entre branches, entre salariés, entre partenaires sociaux. Le gouvernement promet des concertations à la rentrée, mais l’équation semble déjà bouclée.

Carence Maladie 3 J foxy

Anticiper, comprendre, réagir

Cette réforme des jours de carence pourrait bien coûter plus qu’elle ne rapporte :

  • Plus de charges pour les entreprises,
  • Plus de pertes de revenu pour les salariés,
  • Plus de complexité dans les relations sociales,
  • Et au final, peu d’impact sur les causes profondes de l’absentéisme.


Dans ce contexte, l’anticipation est essentielle : audits de contrats, revues des politiques RH, accompagnement au dialogue social.
Chez FOXY RH, nous vous aidons à y voir clair, à protéger vos équipes… et votre équilibre financier.

Emploi Entreprise RH